Martin va bien
texte et mise en scène Quentin Defalt
« J'avais peur, j'étais plus petit et j'avais pas les mots. »
Argument
Martin est un jeune homme de vingt-cinq ans. Martin va bien. Martin n’a pas toujours été bien. Jugé « trop » par ses camarades de classe, — trop différent, trop efféminé, trop fragile... —, il a vite été de ces victimes idéales de harcèlement scolaire. Il a subi humiliations et mises à l’écart qui transforment le lieu d’apprentissage que doit être l’école en un piège qui chaque jour œuvre à briser la confiance en soi, en les autres, et condamne à la solitude.
Aujourd’hui, il est décidé à témoigner : en convoquant ses souvenirs, ses rêves et ses cauchemars, en se remémorant son mutisme face à sa mère, Martin déconstruit ce processus, revivant la violence subie pour désormais la maîtriser. Il nous prouve ainsi que le harcèlement n’est pas une fatalité, que derrière cette douleur sourde, ces cicatrices indélébiles, subsistent l’espoir et la possibilité de se créer sa propre histoire. Sans rien nier de la honte ni de la peur, mais en trouvant cette force intérieure, sans violence, qui permet de ne pas rester toute sa vie une victime.
Un spectacle pluridisciplinaire sur le harcèlement scolaire LGBTphobe
Enfin au centre d’une nouvelle attention toute particulière, le harcèlement scolaire est un fléau qui touche des centaines de milliers d’élèves chaque année, et continue de détruire des enfants, des adolescents de façon lente et silencieuse. Les résultats d’un sondage Ifop de septembre 2023 sur le harcèlement en milieu scolaire indiquent qu’entre 16% et 19% des collégiens et lycéens ont subi du harcèlement scolaire.
Il est primordial de libérer la parole et donner à voir et à entendre que l’on n’est pas condamné à cette identité d’enfant harcelé, que l'on peut se libérer de cette condition pour s'épanouir sereinement et sans violence.
Ce spectacle a pour vocation de s’adresser à tous les publics, en leurs proposant une rencontre avec Martin. Un jeune homme qui va bien, donc, mais qui ne peut oublier l’enfant qu’il a été, la solitude et l’impuissance qui furent les siennes durant sa scolarité. Un enfant qui, privé de mots pour alerter, ou même simplement dire, n’a pu compter que sur son imaginaire, sur sa capacité à rendre vivable une violence permanente. Un enfant spectateur d’une mère s’enfonçant dans la dépression suite à son divorce. Un enfant qui s’est inventé un univers parallèle en se créant un double aux pouvoirs infinis et gracieux, affrontant des ennemis imaginaires ; combattants fantastiques ou monstres peureux. Un univers où le courage, la légèreté et l’héroïsme lui permettaient d’opposer une résistance secrète à ses souffrances. Un univers lui permettant de recréer sous forme d’aventures ce que les autres lui faisaient subir pour la seule raison qu’il ne leur ressemblait pas.
La plus belle réussite de Martin est avant tout celle d’avoir pu devenir celui qu’il est aujourd'hui, de s’être fait une place, mais cette fois sans avoir eu à s’inventer un avatar invincible qui lutte contre l’injustice. C’est en acceptant ses faiblesses, la cruauté des autres, sa non-ressemblance au modèle masculin dominant qu’il est devenu enfin lui-même.
Il sait que la violence d’un groupe envers la différence d’un seul existe toujours. Il sait que la vengeance n’est pas un motif d’apaisement. Il sait qu’il ne doit en vouloir à personne. Et surtout pas à sa mère, qu’il convoque dans ses souvenirs, ou qui l’interpelle devant le public, le faisant quitter les illusions et les rêves dans lesquels il se réfugiait pour cesser de souffrir. Une mère qui a dû elle-même trouver sa place, lutter contre la tristesse, l’impuissance puis la culpabilité.
Martin va bien est un spectacle qui met en relief les possibilités de se réinventer, de ne pas renoncer à soi et à sa sensibilité. Il invite à partager ce que l’on tait, à pardonner tout en dénonçant, à dire à ceux qui souffrent qu’ils ne sont pas seuls.
Les anges aériens du plateau, par la grâce comme par la violence de leurs mouvements, accompagnés de musique et de mots, invitent à porter un autre regard sur les forces et faiblesses en jeu dans toute histoire de harcèlement.
Une ode à la créativité pour trouver sa place.
Chorégraphier le harcèlement avec le cirque…
L’ambition majeure de ce spectacle est d’éviter l’écueil d’une simple alternance de moments théâtraux et de tableaux acrobatiques. Leur imbrication est pensée dès l’écriture de façon à être indissociable l’une de l’autre. Le cirque ne vient pas illustrer mais bien prolonger la narration. Il est un écho direct à la problématique du harcèlement où le corps est central et le mot souvent inaudible.
Au plateau, un comédien interprétant Martin, une comédienne interprétant sa mère, et deux acrobates.
Le spectacle consiste en un aller-retour entre la narration et le dialogue (par Martin et sa mère) et la représentation métaphorique du récit de l’enfance et de l’adolescence (par les acrobates). Cet enchâssement entre le récit et les arts acrobatiques témoigne d’une envie de ne pas être dans le rapport frontal du témoignage, mais bel et bien dans la représentation de la puissance de l’imaginaire, celui-là même qui a permis à cet enfant de tolérer l’intolérable.
Une oscillation entre fantasmes — lorsqu’il se voit comme un jeune rebelle luttant contre des forces obscures, esquivant avec bravoure et malice un ennemi capable de changer de forme ou de visage, s’élevant dans les airs pour y mener des combats acharnés — et retour à la réalité — quand la voix de sa mère le ramène soudain à sa solitude d’enfant —.
La présence des acrobates permet cette mise à distance spectaculaire et poétique, grâce à laquelle beaucoup survivent et arrivent à se reconstruire. Les mécanismes du harcèlement sont mis en scène et en corps avec une dimension visuelle et symbolique puissante, avec une esthétique qui joue des équilibres, qui traduit les élans jamais osés autant que les coups reçus.
Les acrobates prennent en charge la figure des harceleurs, incarnant puissance, agressivité et emprise. Par leurs figures aériennes et la fluidité de leurs mouvements, ils illustrent la domination et le pouvoir exercés sur leur victime, se transformant en meute ou en présence démultipliée à laquelle on ne peut échapper. Au centre des chorégraphies, Martin représente la vulnérabilité, la soumission, la combativité (intérieure ou fantasmée). Ses mouvements plus saccadés, ses équilibres précaires et ses chutes traduisent la survie et les stratégies face à la pression constante, tout en mettant en lumière la résistance, l’espoir et le désir de renverser l’oppression.
Les acrobates peuvent également incarner la mère ou Martin. Ils sont alors un prolongement d’eux-mêmes. Ils deviennent le mal-être de la mère, la solitude de Martin. Ils chorégraphient le déséquilibre, la dépression, toutes les conséquences que peuvent avoir le harcèlement (sur Martin) ou l’abandon (sur la mère). Mais plus que tout, cela met en évidence la nécessité de s'élever pour se libérer de ces entraves.
… et le mettre en musique.
Composée par Yadé, la musique occupe une place particulièrement importante.
Il y a celle qui donne toute sa dimension aux numéros d’acrobaties, allant du combat jusqu'à la danse, quand forces et faiblesses sont suspendues, ne sachant plus ce qui les fait continuer à s’affronter, comme prises au piège d’un jeu qui leur échappe.
Et il y a aussi la musique maternelle, qui est celle de la solitude, celle qui comble les silences, qui ramène le jeune homme à ce qu’il n’a pas su dire ni montrer à sa mère : une musique comme un autre langage qui n’appartient qu’à eux deux, et sur laquelle ils aimeraient mettre des mots pour que la vérité soit au cœur de leur relation.
Le dispositif scénographique
D’un coté de la scène, un fauteuil sur lequel la mère est constamment assise.
De l’autre, un lit symbolisant la chambre de Martin.
Deux espaces éloignés que rien ne semble pouvoir rapprocher.
Au centre, l’espace mental des deux protagonistes. L’espace où se joue ce que personne ne voit : les brimades, les violences mais aussi l’espoir. L’espace de la voltige et des acrobaties…
© Quentin Defalt
Lancer / couper Cinematic piano - Yadé
ce spectacle est disponible en tournée à partir de mai 2025
texte, mise en scène et scénographie Quentin Defalt
avec Diego Andres, Leïla Guérémy, Lachlan McAulay et Jesse Scott
collaboration artistique et dramaturgie Alice Faure chorégraphie circassiennes Lachlan McAulay et Jesse Scott lumières Nicolas Priouzeau costumes Damir Žiško musique Yadé administration de production Anne Gégu production et diffusion Anne-Charlotte Lesquibe
à partir de 10 ans - durée 1h15
production Teknaï coproduction Casus Creations spectacle crée en résidence au Théâtre des Franciscains (Béziers) et au Théâtre des 2 rives (Charenton-le-Pont) soutiens Centre Culturel Charlie Chaplin (Vaulx-en-Velin), Espace Culturel Jean-Montaru (Marcoussis), Mothers in Trouble